samedi 14 janvier 2012

Michel Vaillant le Highlander


  
 Une question me taraude depuis longtemps déjà, mais je n'y trouve pas de réponse : Tous les fans de BD connaissent le secret de la force herculéenne d'Obélix ( vous savez bien qu'il est "tombé dedans" lorsqu'il était petit ), l'origine des pouvoirs des divers super-héros des comics, enfin, ce genre de trucs... mais... jamais, au grand jamais, Jean Graton n'a daigné nous livrer l'adresse exacte de la fontaine de jouvence où s'abreuve la famille Vaillant ainsi que leur éternel ami Steve Warson! Pourquoi diable nous cache-t-il ce secret depuis toutes ces années?

 Trêve de plaisanterie, comme mon côté puriste, un peu pragmatique, perfectionniste, et surtout nostalgique faisait que j'avais tendance à "réécrire" parfois dans ma tête les grandes lignes de certaines de mes séries préférées qui a mes yeux avaient mal vieilli - qui aime bien châtie bien, n'est-ce pas ? - je ne pouvais m'empêcher de spéculer sur la suite des aventures qu'auraient vécu les protagonistes de la série Michel Vaillant, si Jean Graton avait décidé un jour de les vieillir. Après tout, les aventures du pilote de BD le plus célèbre au monde se passent bien dans le monde réel, au côté de personnages bien réels, non ?

 A mon humble avis, et selon quelques indices plus ou moins subtiles, je pense encore aujourd'hui que Jean Graton n'était pas très loin, vers le milieu, et surtout la fin des années 70, de faire prendre à son héros le chemin des pauvres mortels que nous sommes. J'ai des raisons de soupçonner que les Vaillant ont échappé de justesse à la "chute" avec son cortège d'angoisses existentielles...
 


Suivez mon regard : vers 1972-73 paraissait le titre "Série Noire" - mon préféré d'ailleurs - et pour cause... non seulement c'était l'histoire de Michel Vaillant la plus orientée compétition, sans aucune intrigue extra-sportive pour égarer le puriste et plaire à un plus large public, mais c'était aussi le scénario le plus réaliste et le plus mature de toute la série. On y découvrait un Michel Vaillant plus "épais", lucide, en proie aux doutes sur la suite de sa carrière et sa vie en général, mélancolique, perdu, au bord de la dépression même... plus humain quoi! Chose qui allait se perdre par la suite de manière progressive et irréversible, notamment vers la fin des 70's et le début des années 80. 
D'ailleurs un des aspects les plus gênants dans cette BD, c'est bien cette quasi invulnérabilité, cet abonnement au succès chez les Vaillant qui devient monotone à la longue. "Série Noire" cassait justement ce mythe, hélas, l'instant d'un seul et unique album. 
 
 
  A la suite de cet épisode pénible, le cours "normal" des choses reprenait, certes, mais un autre changement majeur allait intervenir dans la vie de notre héros: son mariage avec Françoise. Après avoir frôlé la retraite forcée, ou du moins la déchéance sportive, Michel murissait, enfin ! 
 
Et comme pour confirmer mes "soupçons", quelques épisodes plus loin, Graton faisait vaciller de nouveau - un peu - son champion sur son piédestal, avec l'arrivée des "Jeunes loups" qui allaient faire trembler les anciens, Vaillant et Warson compris, dans "La révolte des rois"... Graton préparait-il la relève ? En tous cas, à l'approche de la saison 78 précisément, les choses n'allaient pas en s'arrangeant pour les 2 amis. 


 
 
 
Si Michel s'accrochait toujours à son statut, au prix d'une aseptisation poussée du personnage, son équipier Steve Warson quant à lui connaissait un passage de cap mouvementé. Changement significatif, le playboy américain éprouvait pour la 1ère fois des sentiments d'attachement pour une femme, ce qui allait d'ailleurs chambouler toute sa carrière au point de le faire disparaître de la circulation. 
 


Et pour arranger le tout, ce fût au tour du grand frère, Jean-pierre, de traverser une crise ( une série de crises de nerfs surtout ), dont l'élément déclencheur était justement le départ inopiné de Steve. C'est à mon avis là que Graton exprimait un ras le bol. Mais de quoi exactement ? de ses personnages ?... je ne saurais l'affirmer, quoique, la dernière case de l'album "Le galérien" (notez le titre évocateur !) en disait déjà beaucoup, et pas assez en même temps : On y voyait une scène surréaliste de l'équipe du studio Graton accompagnée de Jean-Pierre Vaillant en train de ramer sur une galère sous les coups de fouet de Michel et Steve, avec le père Henri à la barre!! hilarant... et révélateur ? Une des explications possibles est à chercher du côté des soucis très terre à terre de Graton avec ses divers éditeurs en ce temps-là, peut-être... 
 

Toujours est-il que je pense que c'est à ce moment là que la série, à la croisée des chemins, aurait dû prendre une autre direction. Si mes soupçons sont fondés, alors, la pression des éditeurs ou un manque de courage, les aurait empêché de négocier ce virage, les obligeant à tourner en rond...

Je le répète, ce ne sont que spéculations, ça n'engage que moi. Mais personnellement, voilà comment j’aurai imaginé une suite logique et réaliste:

 Après le remplacement de Steve par Pierre Dieudonné puis par le frère de Julie Wood dans "Le galérien", remplacement qui à mon avis aurait dû se faire plutôt dans la suite logique des albums précédents, à savoir, en donnant leur chance à un ou 2 des pilotes ambitieux qui pointaient déjà leurs nez dans "Les jeunes loups" et "La révolte des rois" (dont Dieudonné faisait partie, c'est vrai, mais pas Wood...). Donc, après cet épisode, Jean-Pierre, au bout du rouleau, aurait dû connaître un passage à vide, problème de santé compris pour cause de surcharge de travail, de stress...etc, ce qui aurait coïncidé la saison suivante - 1979 - avec des résultats relativement médiocres pour Michel qui aurait souffert de la comparaison face aux nouveaux venus bien plus rapides et hargneux.
Son frère aîné mis au repos forcé, et après des échecs répétés et une fin de saison éprouvante, Michel décide momentanément de raccrocher son casque, en F1 seulement, pour prendre les rênes de l'écurie. Ces événements auraient certainement nécessité un album supplémentaire, au bout duquel, après quelques mois, Jean-Pierre aurait repris du service, mais à la tête des usines Vaillante, poste moins stressant, offrant à son père l'occasion de profiter enfin d'une retraite méritée, et officialisant Michel comme responsable du département compétition, tout en laissant à ce dernier l'occasion de rouler encore dans quelques Rallyes et au Mans, et pourquoi pas à Indianapolis. Ce qui fait qu'on l'aurait quand même vu au volant dans les 2 albums suivants : "Un pilote a disparu", et "L'inconnu des 1000 pistes". Mais pas dans la séquence F1 de ce dernier titre toutefois, séquence très brève en intro de l'album.




Avec le retour de Warson sur la scène des GP ("Steve Warson contre Michel Vaillant"), ç'aurait été l'occasion d'assister aussi à un comeback de Michel, du moins pour cette fin de saison. Situation parfaitement crédible, surtout qu'à la même époque, on assista dans la "vraie vie" au retour tonitruant d'un certain Niki Lauda qui s'était retiré 2 saisons plus tôt, fin 79 précisément, exactement là où j'imagine le retrait de M. Vaillant!
Ce retour des 2 champions et amis, pour s'affronter dans 2 écuries différentes aurait eu pour enjeu de faire triompher leur teams respectifs, plutôt qu'une lutte d'égos, ce qui en fin de compte n'aurait pas changé grand chose à l'album en question tel qu'on le connaît.

 L'aventure suivante ayant pour cadre la F1, "Rififi en F1", voyait elle aussi nos 2 amis s'affronter, mais à distance, dans 2 championnats F1 différents, le championnat FISA et le championnat FOCA, et dans 2 écuries qui leurs étaient étrangères: Renault pour M. Vaillant., et Lotus pour S. Warson. 
Là aussi, la version alternative que j'imagine n'aurait pas impliqué de changements majeurs, sachant qu'à la fin de l'album, Graton nous révélait que toute cette histoire n'était qu'une fiction dans la fiction, une blague, et en même temps une caricature d'une réalité à laquelle la F1 avait échappé de justesse durant la fameuse guerre FISA-FOCA (la menace de création d'un championnat Formule1 pirate, parallèle, par les teams anglais non affiliés aux grands constructeurs tels que FIAT, Renault, Alfa-Romeo).
 

Par conséquent, ce n'est que dans "300 à l'heure dans Paris" qu'on aurait revu Michel aux commandes de l'écurie, et non au volant. Et ce, de façon définitive. A ce moment là, l'intrigue de cette aventure aurait été différente (d'ailleurs je n'ai jamais apprécié l'intrigue originale. Le seul intérêt de cette histoire étant le circuit en lui-même tracé au cœur de Paris). Mais il aurait fallu quand même trouver un "emploi" à Steve à partir de ce moment là, sachant que ça passerait difficilement qu'il continue à courir, en F1 du moins, après tout ce temps, alors que Michel passait de l'autre côté de la barrière. On aurait pu aisément le "transporter" chez lui, aux US en Formule Indy (en plus de l'IMSA et de la NASCAR), comme c'était devenu d'ailleurs un peu la "mode" à partir de cette époque là pour nombre d'ex-pilotes de F1. Cela aurait peut-être donné des idées intéressantes à Graton pour les albums suivants...

Voilà, je n'irais pas plus loin dans mes élucubrations scénaristiques, l'essentiel étant dit. La suite aurait coulé de source...

Franchement je ne pense pas que ces changements auraient fait fuir les lecteurs, bien au contraire. Faire évoluer, grandir et mûrir le personnage aurait permis de fidéliser les fans de la 1ère heure. Beaucoup ont continué à suivre les aventures de M.V. juste pour garder une collection complète, comme toute collection digne de ce nom, mais au prix d'un désenchantement certain. C'est dommage. "Michel Vaillant" c'est plus un univers, une ambiance, un ensemble de caractères. A mon avis, Michel n'est pas vraiment le personnage central de la série. Lui faire endosser le rôle de son frère n'aurait pas changé grand chose aux yeux du lecteur. Enfin, c'est comme ça que je vois les choses.

Quand j'y pense, je trouve amusant d'ailleurs que le pilote réel le plus assidu de toute la série, son ami, (vous l'aurez reconnu, il s'agit de Jacky Ickx), avait de son côté connu un changement de cap majeur dans sa carrière à peu près vers la période où je situe ma "version alternative"! 
Justement, le grand pilote belge, après un passage à vide en Grand prix, par opposition à son parcours glorieux au Mans, effectuait un retour en F1 en 79 chez Ligier en remplacement de Patrick Depailler blessé dans un accident de deltaplane. Retour difficile, qui signa son divorce définitif avec la formule reine, et le mena vers d'autres cieux, toujours en endurance, mais aussi en rallyes-raids. Michel Vaillant l'aurait alors retrouvé de toutes façons sur son chemin, ce qui n'aurait pas dépaysé les lecteurs.

Mais bon, tout est question de choix et de point de vue. Comme le disait Philippe Graton lors d'interviews - qui en passant, a réussi quand même à donner un coup de jeune à la série - pour lui, Michel Vaillant est l'enfant de son temps, un peu comme James Bond, traversant les époques tout en restant fidèle à lui-même, et sans prendre une ride... ou presque. Quant à s'en sortir vivant de la pratique d'un sport dangereux, sans accident majeur, après plus de 40 ans de carrière (!!!) moi je dis, chapeau bien bas! 
 
Alors, le jour où vous entendrez aux infos que Michel Vaillant vient d'annoncer sa retraite, ou qu'il vient de périr en course, pincez-vous, ou bien vérifiez si ce n'est pas le 1er Avril. Sinon... ce serait certainement un de ces multiples hoax qui pullulent sur la toile.

Finalement, vont-il se décider enfin à nous révéler le nom du druide qui fournit la tribu Vaillant en potion magique ?

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